L'EXEMPLE BIRAGO

par Mohamadou KANE birakane.jpg (6193 octets)

La semaine d'hommage à Birago DIOP, organisée par les autorités et institutions culturelles de notre pays, ramène notre pensée à l'illustre disparu. Les mots qui s'imposent à nous qui l'avons pratiqué et aimé sont ceux de qualité d'une vie et d'une pensée, ceux de rigueur et d'exemplarité d'une carrière ceux d'honnêteté -dans le sens classique du terme -et de séduction.

Birago était doublement privilégié et il le savait. Il aimait dire que Dieu avait fait de lui un être privilégie, par sa famille, sa formation, sa carrière... Il a fait de notre pays un pays privilégié de le compter parmi ses enfants les plus méritants, ceux qui incarnent ses valeurs les plus hautes, ses valeurs impérissables et dont la vie et l'oeuvre sont sources d'inspiration pour leurs concitoyens, comme pour ceux qui vivent par delà ses frontières.

Intelligent et travailleur, BIRAGO a su saisir au bond toutes les chances de la vie. Il fit les meilleures études à l'époque. Sa carrière professionnelle un parcours exemplaire, administra la preuve que les Noirs étaient éligibles, par leur seul mérite aux fonction les plus hautes de l'Etat. Avec une compétence louée de tous ses chefs, il dirigea la Service de l'Elevage du Soudan, de la Côte-d'Ivoire, de la Mauritanie, de l'actuel Burkina-Faso...

Comme il aimait à le dire,, il sut être "Un Nègre parmi les Blancs et un Blanc parmi les Nègres".

Au lendemain de l'indépendance du Sénégal, Il fait une incursion dans les Affaires Etrangères. Son Ambassade en Tunisie fut pour lui éblouissement.

Mais sa gloire était déjà faite qui n'avait pas toujours eu à voir avec son métier de vétérinaire. Au Lycée, dans le sillage de ses maîtres parnassiens et symbolistes, il s'était à la poésie.

 

L'exercice de son métier de "Vétérinaire et de Vétérinaire-Stylo", -le ramène à l'Afrique et à l'Afrique profonde, celle des paysans et des pasteurs.

Le compte supplante la poésie dans son oeuvre ou plus exactement le compte intègre la poésie, se l'assimile et lui confère un cachet on ne peut plus négro-africain.

Retour de Tunis, Birago passe à la retraite, dit et répète à qui veut l'entendre qu'il a "cassé sa plume", qu'il va enfin exercer le seul métier qu'il se connaisse. Il s'établit Vétérinaire de quartier au Point-E. Sa clinique devient aussitôt le lieu de rencontre de ses amis et des hommes de culture. Il cède à l'insistance charmante et renouvelée de Mme Annette MBAYE d'ERNEVILLE et de ses amies de la Revue "Awa" et rédige les contes d'Ava. Le temps des contes qui faisaient leur chemin de par le monde était passé. Il adapte l'Os de Mor Lam" pour le Théâtre SORANO qui a fait de cette pièce un succès éclatant et durable, chez nous comme à l'étranger. Les rigueurs du grand âge fige, implacables, s'imposent a Birago qui ferme sa clinique.

Il ne lui rente plus que la présidence de nombreuses association et Institutions culturelles : le Comité de lecture de SORANO, des Nouvelles Editions Africaine, l'Association des Ecrivains, le Conseil d'Administration du B.S.D.A....

Mais que peut faire des longs jours,, des nuits interminables un homme intelligent travailleur, méticuleux, qui a amassé au cours d'une vie très active une masse incroyable de documents, agendas, cartes postales "Guid'A.O.F. qui a une mémoire prodigieuse,, qui entretient le culte de l'amitié, qui de surcroît est un conteur émérites. Il va se conter et il va raconter sa vie, non pas refaire sa vie, mais la revivre avec ses amie.

BIRAGO revient par où il avait commencé. Sa poésie première avait été personnelle. Il met un terme à son oeuvre littéraire par ses mémoires. Il croyait pouvoir tout dire en un ouvrage. Il fut pris au jeu et céda à une certaine forme de délectation personnelle. Le cinquième Tome de ses mémoires est sorti trois mois avant sa mort.

On n'a pas fini de prendre les mesures de l'importance de ses mémoires.

Là aussi Birago a innové : il est notre premier mémorialiste. Il a ouvert la voie à nos écrivains qui en dehors du roman autobiographique gardent sur leur vie un silence embarrassé ou pudique.

Birago DIOP, il y avait plus qu'un fonctionnaire modèle et un très grand écrivain qui ne croyait pas au métier d'écrivain. Il y avait l'homme et ses séductions. Un homme de rigueur et de qualité. Tout, autour de lui, était mesure, sérénité, distinction. Il était regardant jusque dans la choix de ses pipes, dans sa mise, dans le mariage discret et heureux de tous, dans son discours français ou wolof.. Il avait la religion du juste. La franglais le heurtait, l'abus des jargon le désolait. De même, il déplorait l'abus de mots français dam le Wolof quotidien. Il tenait à l'écart de toutes sortes d'agitation politicienne, de trafics d'influences. En toutes choses, Il privilégiait la rigueur, l'honnêteté. Pour lui, l'homme, ses amis, ses parents, passaient avant les honneurs, avantages et prébendes.

On peut dire que sa vie, comme son oeuvre littéraire, son oeuvre de conteur, a été l'illustration des valeurs fondamentales de notre peuple.

C'est peut-être parce qu'il n'était pas seulement un poètes, mais aussi, mais surtout, un conteur que l'Eternité ne le figera pas en lui même, la mort va comme libérer son oeuvre, la mettre à même de répondre à notre attente renouvelée. Car jusqu'à la fin des temps, nous autres Sénégalais, Africains, et bien d'autre encore, nous interrogerons l'oeuvre de BIRAGO comme pour nous repositionner culturellement.

Discour prononcé en Février 1990