PRÉSAGE
Un soleil tout nu - un soleil tout jaune
Un soleil tout nu d'aube hâtive
Verse des flots d'or sur la rive
Du fleuve tout jaune.
Un soleil tout nu - un soleil tout blanc
Un soleil tout nu et tout blanc
Verse des flots d'argent
Sur le fleuve tout blanc.
Un soleil tout nu - un soleil tout rouge
Un soleil tout nu et tout rouge
Verse des flots de sang rouge
Sur le fleuve tout rouge.
Kassak
La Terre saigne
 Comme saigne un Sein
 D'où coule le lait
 Couleur du Couchant.
 Le Lait est rouge,
 Du sable sourd du Sang,
 Le Ciel pleure
 Comme pleure un Enfant. 
Qui donc s'était servi du sinistre Hoyau?
L'Onde se plaint
 Au plongeon de la Pagaie.
 La Pirogue geint
 A l'étreinte de l'Eau,
 Hyène s'est piquée
 Au passage de la haie
 Et Corbeau a cassé
 Sa plume dans la plaie. 
Qui donc s'était servi du sinistre Hoyau?
Le Berger a blessé
 Par la pointe de la Sagaie
 L'échine souple
 Du Frère-de-la-Savane,
 Et plus rien n'est resté
 De tout son beau troupeau,
 Ni Taures, ni génisses
 Ni les jeunes veaux. 
Qui donc s'était servi du sinistre Hoyau?
Diaka
Dans la plaine au lointain
 L'heure est déjà tardive
 Les Lucioles rivent
 De l'ombre sur la rive.
 Las de jouer en vain
 Seuls dans le soir serein
 Les archets des grillons
 Qui ont perdu leurs crins,
 Las de jouer en vain
 Dorment sur leurs violons
 Dans l'ombre de la rive...
 L'heure est déjà tardive... 
Dans la plaine au lointain,
 Danse de Lueurs mauves,
 Flambe le Feu des Fauves.
 Les Bergers yeux ouverts
 Rêvent à des prés verts
 Dans la plaine au lointain.
 Le Vent souffle à travers
 Les raides Vétivers,
 Attise un Feu de Fauves
 Qui danse en courts éclairs.
 Dans la plaine au lointain
 Dansent des lueurs mauves. 
L'Eau se plaint et se fend
 Comme la guinée neuve,
 Se déchirant au lent
 Passage du chaland,
 Comme la guinée neuve
 Au poids du lourd chaland
 D'où monte le doux chant
 De ceux qui seuls peuvent
 Chanter les âpres chants
 Lovés au bord du fleuve
 Qui se plaint et se fend
 Comme la guinée neuve...
DYPTIQUE
Le Soleil pendu par un fil
Au fond de la Calebasse teinte à l'indigo
Fait bouillir la Marmite du Jour.
Effrayée à l'approche des Filles du feu
L'Ombre se terre au pied des pieux.
La Savane est claire et crue
Tout est net, formes et couleurs.
Mais dans les Silences angoissants faits des Rumeurs
Des Bruits infimes, ni sourds ni aigus,
Sourd un Mystère lourd,
Un Mystère sourd et sans contours
Qui nous entoure et nous effraie...
Le Pagne sombre troué de clous de feu
Etendu sur la Terre couvre le lit de la Nuit.
Effrayés à l'approche des filles de l'Ombre
Le Chien hurle, le Cheval hennit
L'Homme se terre au fond de la case.
La Savane est sombre,
Tout est noir, formes et couleurs,
Mais dans les Silences angoissants faits des Rumeurs.
Des Bruits infinis ou sourds ou aigus,
Les Sentes broussailleuses du Mystère
lentement s'éclairent
Pour Ceux qui s'en allèrent
Et pour Ceux qui reviennent.
Incantation
Ouvre à l'Ombre de l'Homme
 Ouvre, ouvre à mon Double... 
Ouvre à l'Ombre de l'Homme
 Qui va vers l'Inconnu
 Laissant seul dans le Somme
 Le Corps inerte et nu. 
Ouvre à l'Ombre de l'Homme
 Ouvre, ouvre à mon Double... 
Ouvre, ouvre à mon Double
 Les Sentiers broussailleux,
 Le jour chemins troubles,
 La nuit si lumineux. 
Ouvre à l'ombre de l'Homme
 Ouvre, ouvre à mon Double... 
Mon Double viendra dire
 Tout ce qu'il aura vu
 Aux portes de l'Empire
 D'où les Morts sont venus. 
Ouvre à l'Ombre de l'Homme
 Ouvre, ouvre à mon Double...